#Jazz et #Littérature : « Thelonious » de Roland Brival & Bruno Liance

 

On est tout d’abord séduit par l’objet, une simple mention Thelonious en bleu au-dessus d’un buste du pianiste avec son chapeau, dessiné à la craie, les blancs, les gris, les noirs. Artiste plasticien, musicien, jazzman et romancier Roland Brival choisit, plutôt qu’une énième bio ou une autre exégèse de sa musique, de raconter, au travers d’un roman, quelques instants de la vie de Monk.

Une longue nuit dans la maison du New Jersey de la fameuse comtesse Pannonica de Koenigswarter. Fucking George, le chat toujours en quête d’un câlin, de nourriture, sera le seul compagnon de cette nuit solitaire. Monk n’est pas malade, mais il ne peut plus jouer du piano, le moindre club de Manhattan est hors de portée, le Steinway dans le salon ne résonne plus. « Tu n’es pas fou, Thelonious, seulement réfugié quelque part au fond de toi-même. Tes yeux naviguent dans les étoiles et préfèrent s’y perdre plutôt que d’affronter désormais les lumières de la ville. »

Au cours de ces 140 pages, Monk va voir passer sa vie devant lui. Des souvenirs vont percuter l’obscurité, tels des accords déglingués. Sa femme et ses enfants d’abord. Une déambulation improbable après un concert à La Fenice de Venise, au milieu des gens en costumes d’époque en plein carnaval. Puis, bien sûr, reviennent les musiciens avec lesquels il a joué. Sa dévotion pour Charlie Parker, qui ronfle en Fa dièse, trop tôt disparu dans les méandres de la dope. Sa fraternité avec Bud Powell, sa mort a brisé quelque chose en lui, il lui parle encore. « Il l’appellerait peut-être Bud Powell, cette mélodie fragile dont les notes commençaient à vibrer sous ses doigts. Il n’y aurait ni batterie, ni contrebasse, ni section de cuivres pour l’accompagner. Elle irait nue, sans voiles et sans armure, à la rencontre de ceux qui l’entendraient. Elle leur parlerait de Bud Powell à visage découvert, leur révèlerait enfin les trésors de beauté et de délicatesse qu’il s’évertuait à cacher, à l’époque, sous ses airs de gamin capricieux. » Ses prises de bec avec Miles, mais qui ne s’engueule pas avec Miles ! Monk était adulé. Pannnonica dit de lui « C’est à Picasso qu’il m’a d’abord fait penser, la fois que je l’ai entendu, lors d’un concert à la Salle Pleyel, à Paris. Picasso, pour sa manière apparente de construire en déconstruisant. » Roland Brival prête respectueusement ses mots à Monk tandis que Bruno Liance les sublime avec ses craies, ses traits.

Thelonious de Roland Brival, Illustrations de Bruno Liance Hors série Littérature, Gallimard Parution : 01-11-2018

Ecrit par Jacques Lerognon

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