Jazz et Polar

Jazz et Polar

Au début était le commencement.

Il nous est apparu judicieux pour ce premier « Jazzophone » d’évoquer un auteur américain, David Fulmer, dont les trois romans traduits chez Payot Rivages se déroulent au début du 20ème siècle, dans les quartiers de Uptown et Storyville, Nouvelle Orléans,  Buddy Bolden et quelques autres « nègres » soufflaient dans leurs cornets.

Au grand dam des nantis des quartiers chics qui voyaient d’un très mauvais œil ce genre musical.  » Un triste fléau s’est abattu sur nous. Quelques nègres armés de cuivre ont formé des orchestres et nous sommes bien incapables de dire quel bienfait personnel ils en tirent, mis à part deux dollars par semaine, mais nous certifions que si leur but était d’infliger une torture à cette communauté éprouvée, ils s’en sortent à merveille. »

51I6CXsWsyLDavid Fulmer met en scène Valentin St Cyr, un métisse au  » teint olivâtre et aux longs cheveux crépus « , détective privé protégé de Tom Anderson, le  » roi  » de Storyville.  St Cyr ami des humbles, donc des musiciens. Le détective erre donc de « Juke joint » en bordels où de jeunes mulâtresses vendent leur corps aux riches blancs de la capitale de la Louisiane mais aussi aux musiciens miséreux qui jouent souvent dans ces bouges pour un salaire de misère.  » Un journaliste local, s’aventurant un soir dans back of town pour assister au spectacle, écrivit que Bolden jouait du  » bavardage musical », en employant le terme français « jaser » pour donner du relief à son dédain. Le terme fit mouche ». Beaucoup d’autres explications sont avancées quant au nom Jazz, mais celle-ci est attrayante. Le premier roman traduit tire son nom d’une citation attribuée à Jelly Roll Morton que le lecteur croisera au fil des pages : « Fais gaffe si tu cours après le diable tu risques bien de l’attraper par la queue. » Le diable rôde constamment dans les rues que le détective arpente afin de résoudre quelques crimes sordides, que ce soit de prostituées, de musiciens ou bien encore de quelques riches venus apparemment s’encanailler auprès du peuple. On découvre ainsi, en suivant le quotidien de Valentin, qui côtoie tous les milieux,  la vie de cette ville du sud, ses riches planteurs, les familles établies aux conventions inébranlables et les autres, les nègres, les émigrés, les gamins des rues vivants dans des quartiers insalubres, où la violence est omniprésente

Au fur et à mesure des romans, on voit le jazz prendre sa place, déborder des maisons closes et des rues où il prit naissance,  » Les valses tranquilles et les ragtimes aux métronomes avaient rudement été écartés au profit d’une inventivité échevelée à quatre temps, une cadence qui donnait envie de danser et pas dans les postures guindées d’une scottish ou d’un cake walk. »

Trois romans noirs, aux intrigues soignées,  mais qui vous donneront aussi envie de découvrir quelques vieux enregistrements du cornettiste King Oliver, du pianiste Jelly Roll Morton, du batteur Warren  » Baby » Dodds ou, plus connu, du saxophoniste Sydney Bechet.

Bibliographie :

Courir après le diable, Rivages/Thriller 2008, réed. Rivages/Noir 2010.

Jass, Rivages/Thriller 2010.

Rempart Street, Rivages/Thriller 2011. Les trois romans ont été traduits par Frédéric Grellier.

Discographie sélective :
Il n’y a pas, hélas, d’enregistrement de Buddy « King » Bolden mais un autre King a été lui enregistré à la même époque : 

King Oliver « Complete 1923 Jazz Band Record » MIS

Jelly Roll Morton « The Quintessence 1923-1940 » Fremeaux

Baby Dodds trio « Jazz à la creole » MIS

David Fulmer : Biographie et informations

Nationalité : États-Unis
Né(e) à : Northumberland , le 03/04/1950

Biographie : David Fulmer est écrivain, journaliste et cinéaste.Pendant ses études secondaires, il exerce les activités de journaliste et photographe pour des journaux locaux. En 1971, il entre à l’armée comme photographe. Il est stationné à Heidelberg en Allemagne. Il échappe, en 1972, à un attentat de la Bande à Baader.

Il obtient un baccalauréat en communication, à la Georgia State University, en 1979.

Il exerce, tour à tour, les métiers de journaliste, de professionnel de la communication, de cinéaste pour la réalisation de documentaires et anime des ateliers d’écriture.

C’est en novembre 2001 que paraît Chasing the Devil’s Tail, (Courir après le diable) la première enquête de Valentin Saint-Cyr. Ce livre rencontre le succès et obtient le prix Shamus en 2002, du premier roman.

Les enquêtes de Valentin se poursuivent dans Jass, publié en janvier 2005, puis Rampart Street, en janvier 2006, et Lost River, en novembre 2008.
Rampart Street a obtenu le Prix Benjamin Franklin – 2007 du meilleur roman.

Les trois premiers romans sont traduits en français et sont parus chez Rivages/thrillers.

Ecrit par Corinne Naidet

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