Le vent balaye les feuilles mortes de la place Arnulf et le public est déjà nombreux pour les trois sets de cette soirée dominicale du Peillon Jazz Festival. Un trio, un duo et un quartet vont se succéder sur la scène où s’affaire encore l’équipe technique peaufinant les réglages du son.
Ambiance intime du trio piano-basse-batterie de Thomas Layrac qui troqué sa casquette d’organisateur pour celle de pianiste.
Il nous propose un voyage immobile au cœur de ses inspirations musicales. Gilles Triquenot est tour à tour à la basse ou à la contrebasse, Thierry Chausse à la batterie.
Des compositions très mélodiques, un piano qui sait se faire délicat puis devenir percussif mais reste essentiellement mélancolique. Le batteur ne ménage pas son énergie malgré la chaleur. L’accordéoniste Thierry Faure rejoint le trio pour quelques titres. Thomas Layrac a une petite fille qui est la plus belle du monde, dit-il, normal alors qu’il lui consacre deux compositions (et encore elle n’a qu’un an!) Le trio devenu quartet se transforme, pour le rappel, en quintet avec l’arrivée de Baptiste Herbin et son sax alto. La soirée ne pouvait pas mieux commencer.
Ambiance tout à fait différente mais tout aussi intimiste avec le duo Youn Sun Nah (voix) et Bojan Z (claviers).
Une nouvelle déclinaison du projet “Elles” dans lequel la chanteuse coréenne rend hommage aux femmes, aux voix de femme qui l’ont inspiré et transporté. Elle commence, seule avec son petit kalimba, à susurrer “Feeleing good”, cet hymne musical de la défense des droits civiques aux États-Unis, popularisé par Nina Simone. Bojan Z éclaire cette mélopée de quelques notes sur le Rhodes. “Cocoon” de Bjork et “I’ve Seen That Face Before” adapté du “Libertango” d’Astor Piazzolla pour Grace Jones, finissent de convaincre le public qu’il a bien fait de monter jusqu’ici. La chanteuse mime le jeu et le son d’une contrebasse sur quelques accords de piano. Plus tard, c’est Bojan Z qui utilise le magnifique Bosendorfer comme instrument de percussion frappant d’une main sur le capot et de l’autre alternat entre le capot et les cordes
sur un scat énergique de Youn Sun Nah. Deux moments très forts où la voix de la chanteuse prend toute sa force, son énergie et son inventivité: “Asturias” du compositeur espagnol Albeniz et “White Rabbit” de Grace Slick (du Jefferson Airplane). Elle se réapproprie totalement ces compositions pour les faire siennes. Juste avant d’interpréter “My Funny Valentine”, elle avale par mégarde une mouche en buvant un peu d’eau, elle fait quelques pas, revient en s’excusant et nous dit “qu’elle est triste pour la mouche. Elle aurait sûrement bien aimé voler encore un peu” puis elle se lance dans ce magnifique standard. La fin du set arrive avec “Just Sometimes” de Norma Winstone. On eut aimé qu’il dure plus longtemps mais une troisième partie nous attend.
Changement de genre complet: un trio de jazz manouche avec deux maitres de la guitare: Yannis Constans et Stochelo Rosenberg. Ils sont accompagnés par le contrebassiste Vincent Hemery
et bientôt rejoint par la violoniste Aurore Voilqué qui avait séduit le public de Peillon lors de la précédente édition.
Si c’est Stochelo Rosenberg qui fait les premiers solos, Yannis Constans ne s’en laisse pas conter quand il lâche la pompe pour à son tour faire courir ses doigts sur le manche. Le regard admiratif de l’ainé en dit long sur son talent. Des thèmes de Django (bien sûr!) mais aussi d’autres compositeurs moins connu. Le violon s’immisce parfaitement entre les deux alors que –comme souvent dans la musique manouche – la contrebasse impassible assure une impeccable cadence. Aurore Voilqué prend le micro pour nous interpréter un “Que reste-t-il de nos amours” au swing imparable qui contraste avec la tristesse des paroles de Charles Trenet. Les morceaux s’enchainent, les cordes vibrent sous les doigts ou sous l’archet jusqu’à la venue de l’invité surprise, Baptiste Herbin, cette fois ci avec son sax soprano qui se glisse avec délice dans ce festival de cordes.
Les premières navettes redescendent les spectateurs mais certains vont rester encore un peu pour une jam qui promet d’être hot.
À suivre !
Le 06/07/25 place Arnulf – Peillon (06)