Mon premier « vrai » concert a été Trust au Théâtre de verdure en octobre 1980. Je n’avais pas 14 ans et avec mon pote Steph on s’est pris un bon électrochoc, du genre qui pose bien les bases. Mais ce qui m’étonne encore aujourd’hui c’est que juste quelques mois plus tard, on prenait un billet pour la « Grande Parade du Jazz » aux arènes.
Et voilà notre bande de potes boutonneux, fans de Hard Rock, qui assiste à ses premiers concerts de Jazz. En plus, on a vite capté qu’il était facile de resquiller en sautant et courant du côté monastère. Alors pas si obtus que ça, on adore et on y retournera chaque année, de manière officielle ou « à la niçoise ». Et donc, nous voici souvent ébahis, parfois dubitatifs, devant Miles Davis avec Scofield, Robben Ford, Foley ou Darryl Jones suivant les années, Lionel Hampton, Fats Domino poussant son piano avec le ventre, Chuck Berry qui commençait toutes ses chansons avec le même riff-be-good, B.B. King, Larry Carlton, Steps Ahead, Tuck & Patti, Spyro Gyra, Santana, Petrucciani, le tout jeune Biréli avec sa guitare plus grande que lui, Escoudé, Coryell…
Histoire de rappeler un peu le niveau des programmations de l’époque, un truc de malade. Sans oublier un public d’amateurs pas encore là juste pour bouffer en parlant fort.
Le Jazz m’a vite intéressé, à voir d’abord, à écouter et à jouer ensuite. Le premier à me montrer la voie a été Aimé Burchini. Très bon guitariste de jazz, d’orchestres de variétés de l’époque et surtout mon prof de maths à Don Bosco. Il nous a donné, toujours avec Steph, nos deux premiers cours de guitare, expliqué la formation des accords, et là : ouverture des chakras instantanée… La révélation. Mais bon sang, mais c’est bien sûr ! Les mélodies en tierces, je venais de comprendre le secret de la fin de « Hôtel California » … J’étais fou. En plus, quel pied lorsque ton prof, pendant un exercice de classe, t’appelle au tableau pour mater une guitare sur un magazine qu’il lit en douce.
Le deuxième à me montrer le jazz est le légendaire Franck De Luca. Je ne me souviens plus comment j’ai atterri dans son cours au CEDAC de Cimiez, mais j’y suis resté quelques années… Par la suite il m’appellera pour monter la première classe de guitare Jazz du conservatoire et j’y obtiendrai mon prix. Je garde un super souvenir des années CEDAC, l’endroit était pour nous, le centre névralgique du Jazz niçois, les cours, la médiathèque et surtout les concerts. Incroyable programmation où on a pu voir Raphaël Fays, le trio Escoudé-Ferre-Reinhard, Uzeb, John Scofield devant une salle quasi vide (notamment le jour de la seconde défaite des bleus contre l’Allemagne, épuisés par leur victoire mythique contre le Brésil, au mondial 86), John Abercrombie quartet (Brecker, Erskine, Johnson… rien que ça) avec un De Luca tremblant en première partie, Al Di Méola insupportable de prétention, les fabuleux Tribal Tech, Mike Stern, Candye Kane…
Une belle époque et de bonnes années formatrices, avec les cours et les arrangements pour 5 guitares que Franck savait si bien écrire. Il m’a tant appris… Avec lui, on a eu nos hauts et nos bas, deux forts caractères ça fait toujours des étincelles ! J’avais une profonde affection pour lui… je sais qu’il m’aimait beaucoup, mais j’en faisais trop à ma tête et on était certainement trop potes. Voilà ce qui me vient à l’esprit lorsque je pense Jazz : Nice, les potes, une jeunesse et une époque riches en musique. Merci à Aimé et Franck pour m’avoir montré la voie. Et à chaque fois que je joue un blues je pense à la phrase de Franck « Comme tu joues le blues, tu joues la guitare » alors je fais tout pour qu’il me lance un clin d’œil satisfait de là-haut.
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