Gainsbourg & Miles, plus proches qu’on ne croit !

Il  peut paraitre étrange au premier abord de comparer ces deux musiciens que tout sépare en apparence. Pourtant, en y regardant de près, on s’aperçoit qu’ils sont plus proches qu’on ne le pense. Examinons à la loupe ce qui les rapproche et aussi ce qui les différencie.

Les origines, tout d’abord : L’un est juif, l’autre est noir. Ils furent tous deux victimes du racisme. Lors de la deuxième guerre mondiale, Gainsbourg porta l’étoile jaune, et Miles fut victime de la ségrégation dans le Sud des États-Unis, d’où il était originaire (Saint-Louis, Illinois).

Les origines sociales ensuite : tous eux enfants de musiciens (le père pianiste pour Gainsbourg, la mère pianiste et harpiste pour Miles), et tous deux issus de familles aisées. Les études musicales font également partie de leur apprentissage, trompette et piano pour Miles, piano et guitare pour Gainsbourg. Les compagnes maintenant : tous deux hommes à femmes, mais de manière différente : là où Miles était très beau, Gainsbourg quant à lui avait ce que l’on pouvait appeler « un physique difficile… ». Néanmoins, ses conquêtes furent plus que nombreuses : Brigitte Bardot, Jane Birkin, Bambou, etc… et ses interprètes féminines innombrables : Adjani, Deneuve, France Gall, Joelle Ursul, Vanessa Paradis, la liste est interminable.

Miles de son côté fut marié cinq fois ( ! ), on connait surtout Frances Taylor, qui fut danseuse au Metropolitan Orchestra, la chanteuse Betty Davis (née Mabry, « Mademoiselle Mabry » sur « Filles de Kilimandjaro ») et l’actrice Cicely Tyson.

Mais il y eut aussi mais de manière plus illégale, Jeanne Moreau, Jeanne de Mirbeck, soeur de son pianiste de « Ascenseur pour l’échafaud » (son plus grand succès dans l’Hexagone) René Urtreger,qui fut par la suite (années soixante) le pianiste de Gainsbourg ! Jackie Battle, Devon Wilson (qui était en même temps la compagne de Jimi Hendrix), Margaret Eskrige, etc… Là aussi la liste est innombrable. Une femme néanmoins relie plus que d’autres les deux hommes : Juliette Gréco. Lorsqu’il la rencontre en 1949, lors de sa première tournée française (avec Monk, Parker et d’autres) c’est le coup de foudre pour Miles, il resteront ensemble jusqu’à 1954, et toujours très proches. Ils s’écriront ou s’appelleront durant toute leur vie.

En 1963, Gainsbourg écrit pour Juliette la célèbre « Javanaise », qu’elle interprétera avec le succès que l’on sait et qui fera entrer Gainsbourg dans le cercle très fermé des auteurs-compositeurs qui comptent. Leur collaboration ne s’arrêtera pas là, et leur amitié sera indéfectible.

La fidélité en amitié est d’ailleurs l’une de leurs caractéristiques communes : nombres sont ceux de leur collaborateurs respectifs qui louent leur sens aigu de cette qualité .

La musique classique puis le jazz resteront pour tous deux l’archétype de ce que Gainsbourg appelait « Art Majeur » en opposition à la chanson « Art Mineur ».

La peinture également tint une place prépondérante dans leur vies respectives. Gainsbourg débuta en tant que peintre, Miles termina sa vie devant ses toiles.

Le goût du scandale et le la provocation est également présent chez les deux hommes : Textes hautement érotiques chez Gainsbourg, sans parler des ses frasques télévisuelles : insultes envers Catherine Ringer, brûlage d’un billet de 5oo francs, le fameux « I want to fuck you »‘ proféré à Whitney Houston

Du côté de Miles : remarques désobligeantes envers les autres musiciens : (« Mc Coy Tyner ne sait pas jouer » « Archie Shepp est nul« , « Wynton Marsalis n’est bon qu’à copier ce que j’ai fait il y a vingt ans »...; goût aussi de la provocation : retards à rallonge aux concerts (1h à San Francisco, 1h 30 à Rome…) refus d’interviews pourtant préparés à l’avance…, mépris des journalistes à part quelques-uns (Nat Hentoff, Ralph Gleason, Philippe Paringaux, Alain Gerber) etc…

Une chose rapproche plus que tout les deux homme : le refus de l’immobilisme. Partis de la musique classique, puis embarqués & fascinés par le jazz, il seront néanmoins sensible aux attraits de la modernité la plus actuelle : Rock, funk, rap, hip-hop seront des costumes qu’ils adapteront à leur taille et à leur goût.

Une admiration lie aussi les deux hommes : celle ressentie envers Jackie McLean, ancien comparse, ami et parfois aussi pourvoyeur de Miles. Ce saxophoniste alto était le musicien préféré de Gainsbourg pendant (et même après) sa période jazz.

Du jazz dans le ravin

Voilà une belle épitaphe pour ces deux géants, qui dont décédés tous deux à l’âge de 65 ans. Dernière troublante coïncidence…

Ecrit par Gilbert D'Alto

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