Jazz et Polar – Le Mister de Marcus Malte

Marcus Malte et la musique, c’est une longue histoire d’amour. D’abord musicien de rock, puis de jazz, c’est désormais dans les mots qu’il met ses notes, son phrasé, ses arpèges, ses appogiatures parfois. Au fil de son oeuvre, trois romans mettent en scène un pianiste de jazz dont on ne connait que le surnom, « Mister ».

marcus malte

« C’était un mélange de panthère noire et de Blues Brother. Un nègre immense, aux allures de star du basket américain ; il portait un ensemble noir, veste et pantalon, ainsi qu’une cravate lâchement nouée au col d’une chemise immaculée ». Ainsi le découvre-t-on
dans « Le Doigt d’Horace ». Un pianiste de bar, de club, croise, voit et entend de nombreux secrets. La sensibilité qu’il met dans ses interprétations des grands standards lui sert parfois à élucider quelques affaires à l’aide son acolyte, Bob, un chauffeur de taxi aussi philosophe que dépourvu de client.
Dans « Le Doigt d’Horace », à l’aube, l’un des spectateurs dit « Je m’appelle Franck, Je viens de tuer trois personnes mais j’aime beaucoup votre façon de jouer », puis compare les talents respectifs d’Oscar Peterson et Horace Silver. Horace Silver dont le père de Franck prétendait qu’avec un seul doigt il pourrait changer le monde.
Dans « Le lac des singes », on le retrouve derrière le clavier du casino d’Evian, au bord du lac. Le commissaire de police, fin gourmet de jazz, le prend pour confident de son enquête, un tueur voulant éliminer tous les gagnants millionnaires du casino.

Mais le plus prenant, le plus noir, le plus blues est la dernière enquête en date des deux compères, « Les harmoniques », paru en 2011 à la Série Noire. Mister et Bob ne peuvent se résoudre à accepter ni la mort de la jeune Vera qui régulièrement squattait un tabouret dans le club où exerce le musicien, ni la version bâclée des flics. Ils vont revenir sur les horreurs de la guerre de Yougoslavie et ses conséquences encore aujourd’hui partout en Europe, et ici à Paris. Mais Mister n’enquête pas vraiment, il écoute, il regarde, il cherche, il pleure, il joue car sa vie est avant tout la musique. Et le roman est une partition, en douze chapitres, telles les douze mesures du blues mais aussi en douze thèmes. Du premier chapitre calqué sur le thème, la grille de « Wallflower » de Gerry Mulligan pour finir par « Bye Bye Blackbird » dans la version de Toots Thielemans.
Depuis, ses mots se mêlent aux notes, « Les harmoniques » est devenu un spectacle* mis en voix par Marcus Malte accompagné d’une chanteuse et d’un contrebassiste.

Bibliographie :
Le Doigt d’Horace, Fleuve noir, 1996 ; réédition, Folio policier 2009
Le Lac des singes, Fleuve noir, 1997 ; réédition, Folio policier 2009
Les Harmoniques, Gallimard, Série noire, 2011
La biblio complète : http://marcusmalte.wix.com/marcusmalte
Discographie sélective :
Horace Silver « Song For My Father » Blue Note 1964
The Cannonball Adderley And Nat Adderley Quintet « What Is This Thing Called Soul : Live In Europe » Pablo Records 1984
John Coltrane 4et « Coltrane Jazz » Atlantic 1961
Ella Fitzgerald « At Opera House » Verve 1957
Gerry Mulligan « Lonesome Boulevard » Verve 1989
Herbie Hancock « Maiden Voyage » Blue Note 1965
Miles Davis « Kind of Blue » Columbia 1959
Janis Joplin/Big Brother and the Holding Company « Cheap Thrills » Columbia 1968
Sarah Vaughan « Live at The 1971 Monterey Jazz Festival » Fantasy 2007
John Coltrane « My Favourite Things » Atlantic 1961
Bill Evans « Loose Blues » Fantasy 1962
Helen Merril « No Tears No Goodbyes » Owl Records 1984

Ecrit par Jacques Lerognon

Les commentaires sont fermés.

  • Les concerts Jazz et +

  • Le Jazzophone