#Interview : Le Lumineux Guillaume Perret

Noir complet… avance vers vous le rond rouge cerclé jaune lumineux par intermittence, il gémit il hurle, il grince, il s’adoucit aussi… une séquence à la John Cassavettes, il y a le suspens, place à l’imaginaire… allez stop !

La scène s’éclaircit, au bout du rond un saxophone tenu par celui qui entretien le feu : Guillaume Perret.  Le savoyard diplômé en Jazz et en musique classique étonne, dérange les aficionados du Jazz mais fascine aussi comme ce le fût pour le prince de l’underground new-yorkais John Zorn, qui sous son label Tzadik n’avait pas hésité à sortir en 2012 son premier album « Brutalum Voluptuous » avec le groupe électrique EPIC. Pour Guillaume Perret le mot SON s’envole vers les hautes sphères, bien sûr son saxophone est une usine à gaz, truffé de micros à l’intérieur du tube, boutons et manettes à l’extérieur et histoire d’occuper ses pieds une dizaine de pédales. L’homme est infatigable, il peut-être un orchestre à lui seul, supprime brutalement les basses pour un solo de batterie, invente son funk, augmente la   distorsion, surdimensionnés les riffs, rien n’est oublié pas un grand moment de chaos, on reste collé à son fauteuil puis plouf tout doux comme pour le baiser des amoureux… Aïe aïe aïe il faut suivre… non on ne suit pas on plonge, on est ailleurs, ça fait du bien ! Bien sûr Guillaume Perret n’est pas le précurseur du free Jazz cher a Ornette Coleman mais il a su oser ce que d’autres ne pouvaient imaginer : torturer son instrument, le becqueter jusqu’à n’en plus finir façon Archie Shepp.

Occuper sans cesse tous vos membres ne nuit-t-il pas à votre création ?

Guillaume Perret : Effectivement, le fait d’utiliser des pédales sur saxophone occuper mes pieds, mes mains, mon cerveau mais ça va surtout apporter d’autres possibilités à l’instrument, du coup mon jeu est différent. Quand je joue avec une distorsion ou une octave, de la réverbe, je n’ai pas le même jeu de saxophone. Donc oui ça s’adapte. J’essaie d’en faire un seul instrument, comme un orgue d’église un peu.

Par rapport à de nombreux jeunes qui ne font que leur composition, où on retient souvent peu de chose, vous il y a quand même souvent, un morceau sur deux où il y a une mélodie, qu’on peut retenir, on vous la souvent dit ?

GP : Je trouve que c’est un beau compliment. On appelle ça un peu l’art de la ritournelle, c’est-à-dire arrivé à faire quelque chose qu’on puisse chanter par la suite, je trouve ça vraiment pas évident. Quelque chose de simple et qui soit mélodique.

Vous avez donné une partition enregistrée par le spationaute Thomas Pesquet, qu’il a joué dans la station, quel a été le résultat ?

GP: J’ai reçu l’enregistrement, il joue bien, c’est un bon amateur, on sent que le son est un peu jeune encore. Mais il fait tellement tout avec excellence, c’était vraiment très correct !

Quelle est la part de l’improvisation brutale ?

GP : Il y a évidemment tous les passages de solo de chaque musicien qui sont complètement improvisés. Et après à l’intérieur des morceaux il y a des thèmes qui ne sont pas forcément toujours écrit, qui peuvent être un peu orienté sur un mode mélodique sur lequel je m’amuse de manière différente d’un concert à l’autre. Les structures peuvent être élastiques, c’est-à-dire qu’on se fait beaucoup de signes, pour passer à la partie suivante. Du coup on peut décider de faire trois tour de plus si on veut faire encore un peu monter la mayonnaise. Tout ça c’est des choses qui gardent une certaine souplesse, une élasticité qui fait qu’un concert n’est jamais le même. En faites chaque musicien apporte une petite pierre à l’édifice. Ça m’arrive souvent de penser à certains anciens quand je joue, au moment où je joue, j’entends une phrase qui résonne et des fois je pense à un chanteur ou Alex Gordon, mais sans plus. Ils font partis de mon ADN aussi, c’est des musiques que j’ai aimé, étudié et qui résonnent en moi. En faites on invente rien, on fait que ré-utiliser des choses qui existent, on les mixe à notre manière, ça donne une autre bouillabaisse.

Dans les compos, on vous pose toujours la même question, est-ce que c’est en regardant les petits oiseaux où en faisant du vélo que vous avez eu des idées, ou des fois c’est du brutal et ça passe comme ça dans votre tête ?

GP : Des fois c’est du brutal, mais ce qui m’aide énormément c’est de faire des musiques de spectacle, de danse, de théâtre ou de films. Il y a des réalisateurs, des metteurs en scène qui voudraient  une course poursuite dans une ruelle sombre ou un désert de sel. Ils donnent des adjectifs, qui vont nous mettre dans une ambiance et à partir de là on va commencer à créer, ces images là m’ont toujours aidés à composer. Y a eu toute une période très jazz, puis je me suis intéressé au rock progressif. Quand j’ai découvert la musique indienne, une claque, je me suis mis à fond dedans, pareil avec le jazz éthiopien. En ce moment il y a beaucoup de chose en musique électronique qui sont fabuleuses. Je dirai qu’au fur et à mesure du temps, dès que je découvre des perles, des choses qui me parlent je les intègre naturellement à mon langage.

On peut laisser le dernier commentaire à John Zorn entendu chez un confrère…

« La technologie n’est qu’un simple outil, la création vient de l’imagination, le cœur et l’esprit restent encore la plus complexe technologie. »

https://www.guillaume-perret.com

Ecrit par Jean-Pierre Lamouroux

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