#Live Report: The Amazing Keystone Big Band au Printemps des arts
En ce dernier dimanche de mars, la lumière n’apparait pas dans le ciel azuréen. Mais vers 18h, dans l’auditorium Rainier III à Monaco, les cuivres de l’ensemble The Amazing Keystone Big band s’illuminent pour nous proposer une balade dans l’univers de Count Basie à l’occasion du 40e Printemps des Arts de Monte-Carlo.
#LiveReport : Hermon Mehari Quartet
Le théâtre Alexandre III à Cannes affiche une nouvelle fois complet pour ce Jeudi du Jazz. Hermon Mehari, le trompettiste de Kansas City (désormais parisien) nous propose de découvrir son projet Asmara (Komos 2022) en hommage à la musique du pays d’origine de ses parents l’Érythrée.
#Chronique : Sissoko Segal Parisien Peirani : Les égarés
En écoutant le magnifique album Les Égarés, on comprend que les mathématiques ont raison : lorsque les duos se forment, celui de Vincent Peirani à l’accordéon et Émile Parisien au saxophone d’une part, et celui de Ballaké Sissoko à la Kora et Vincent Segal au violoncelle d’autre part, ils fusionnent et s’enrichissent mutuellement, décuplant leurs talents et leurs inspirations. Suite →
#ParolesdeJazz #26 par Alain de Fombelle
« Let your spirit rise to the other side » dit Makhathini sur la pochette de son album « Mode of Communication ». Une excellente façon d’évoquer ce jazz cherchant le côté spirituel, inspiré, voire mystique, cultivé par quelques musiciens. Suite →
#Radio & #Podcast : La Boîte de Jazz du 13 mars 2024
« La Boîte de Jazz » l’émission bi-mensuelle présentée par Gilbert D’Alto & David Benaroche chaque mercredi de 20h à 22h sur les ondes d’Agora Côte d’Azur 94 FM. Une Boîte de Jazz spéciale nouveautés avec quelques classiques comme Dr. Lonnie Smith, Jazz Liberatorz ou RH Factor, mais aussi beaucoup de nouveautés à écouter.
Sortie du Jazzophone #28 – Hiver 2024
Le Jazzophone #28 est arrivé ! Un nouveau numéro illustré par le grand artiste Robert Crumb, légende de la bande dessinée et de la contre culture américaine. Suite →
#Radio & #Podcast : La Boîte de Jazz du 14 février 2024
« La Boîte de Jazz » l’émission bi-mensuelle présentée par Gilbert D’Alto chaque mercredi de 20h à 22h sur les ondes d’Agora Côte d’Azur 94 FM. Une Boîte de Jazz spéciale nouveautés avec quelques classiques au milieu, un hommage à Wayne Shorter qui nous a quittés en 2023, un autre à Stevie Wonder, et plein de belles choses. Enjoy !
#LiveReport : Henri Texier Trio
Le Plongeoir, lieu de culture, perché à 500 mètres d’altitude sur les hauteurs de Grasse retrouve un lustre nouveau. Voilà la salle rénovée de la fameuse MJC Altitude 500 : Scène sans estrade, 160 fauteuils rouges confortables. Au programme ce soir, un trio intergénérationnel, celui d’Henri Texier.
#UnLivresurleBlues : « Son House » d’Olivier Renault
Légendaire bluesman du Delta du Mississipi, Son House fut l’inspirateur de beaucoup. Jazzmen, rockers et bien sur bluesmen, ont repris ses morceaux. Suite →
#LiveReport : Jo Kaiat & Assala Trio au CNRR de Nice
La rédaction du Jazzophone était bien représentée pour cette soirée principalement dédiée à la musique gnawa. L’équipe se retrouve dans le hall du Conservatoire de Nice avant de rejoindre l’auditorium pour la première partie : Jo Kaiat en piano solo avant le trio Assala. Suite →
Un film sur le jazz : » The Cincinnati Kid » de Norman Jewison.
Véritable classique récemment ressorti, » Le Kid de Cincinnati » , de Norman Jewison, est un film mythique . En plus d’être l’un des premiers grands rôles de Steve Mc Queen,, le film offre un peinture fidèle de la Nouvelle Orléans au moment de La Grande Dépression et du jazz, qui à l’époque gagne ses premiers titres de noblesse dans les cabarets et théâtres de la fameuse » Crescent City « .
Centrè autour d’une mythique partie de poker, le film en profite pour dépeindre New Orleans des années 30, avec les paris frauduleux, la prostitution , la pègre omniprésente et bien sur le jazz, avec l’apparition à l’écran de figures célèbres , comme la pianiste et chanteuse Sweet Emma Barrett, et aussi Cab Calloway. Ainsi que de nombreuses scènes de » marching bands » ( orchestres ambulants, avec un très belle scène d’enterrement « New Orleans style » qui ouvre le film ) ), de références au blues , et de vies « on the edge » ( à la marge ). De plus, le film est teinté d’un érotisme , certes léger, mais tout à fait sulfureux… Ajoutons que scénario est de Richard Jessup, adapté de son roman. Jessup fut au début de sa carrière donneur de cartes dans une maison de jeu de Harlem . Il connaissait le sujet… et le jazz, bien sur. Citons aussi la superbe musique de Lalo Schifrin, lui -même très influencé par le jazz, et la chanson du générique chantée par rien moins que Ray Charles<iframe width= »560″ height= »315″ src= »https://www.youtube.com/embed/tj4tgdoc3Uo » title= »YouTube video player » frameborder= »0″ allow= »accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share » allowfullscreen></iframe>
Le » Cincinnati Kid » ressort en copie restaurée ce jours-ci . Ne le ratez pas ! Un pur bonheur , frappé à l’aune de l’authenticité .
Gilbert D’Alto.
#PORTRAIT : RHODA SCOTT : Booste le Lady All Stars
Insatiable, la plus française des musiciennes américaines ! Et quel chemin parcouru depuis son enfance où sur les genoux de sa mère elle écoutait les sons magiques de l’orgue dans l’église paroissiale et au côté de son père face à l’orgue Hammond. Suite →
#Histoire : Le Jazz Créole
Si l’on considère comme le bassiste Stephane Castry que la musique est « un moyen de promouvoir nos cultures et nos traditions », le jazz créole en est l’illustration parfaite !
Une musique issue de la rencontre entre Amérique, Afrique et Europe !
Le jazz est partout, et le créole une langue de rencontres. Né sur le bateau d’Afrique aux Amériques, on retrouve le même créole dans les îles anglaises que dans les îles françaises ainsi qu’à La Nouvelle-Orléans. Il est lié à l’histoire de l’esclavage et de la colonisation.
Selon la confession d’un colonisateur, les Français catholiques toléraient le tambour interdit chez les Anglais !
En fonction de ces influences, les grands jazzmen se tourneront vers des rythmes différents, par exemple Sonny Rollins vers le calypso, Dizzy Gillespie la samba, Stan Getz la bossa, pour ne citer qu’eux !
En fait, le Jazz créole réunit toutes les musiques créées à partir du rythme, issues du métissage humain et culturel engendré par l’esclavage.
Il est composé de multiples traditions :
– le brass band de La Nouvelle-Orléans
– le kompa haïtien
– la salsa cubaine
– le calypso trinidadien
– le merengue dominicain
– le maloya réunionnais
– la biguine et le zouk, martiniquais et guadeloupéen
En fait, le jazz émergé à La Nouvelle-Orléans au début du XXe siècle n’est pas anglo-américain : les sources du jazz résident dans une société coloniale française… les racines du jazz plongent dans l’évolution de la société créole courant XIXe, les musiciens étaient pour la plupart des Créoles de Louisiane et de la région caraïbe : 1500 colons ont fui Saint-Domingue pour La Nouvelle-Orléans, puis arrivent 9000 colons et Noirs libres de Cuba, et dix ans plus tard 4500 Noirs.
Les premiers musiciens de jazz ont des noms bien domingois, entre autres Domingo Ferdinand Joseph Lamothe : musique vaudoue et jazz.
« C’est le rythme qui cimente les multiples aspects de l’âme noire, disait Sartre, c’est lui qui communique la légèreté à ces lourdes intentions dionysiaques, c’est le rythme (tam-tam, jazz) qui figure la temporalité de l’existence nègre. »
« Si les Bonga, Azor, ou autres sont dignes d’un respect sonore, c’est parce qu’ils tiennent au bout de leurs doigts le pouvoir de racheter tout le tragique de l’existence humaine. Ce pouvoir de transfigurer notre misère par des vibrations aptes à générer des danses de sympathie cosmique » ! Melville Herskovits
Les sources du jazz créole résident dans une société coloniale française géographiquement diffuse (Caraïbes et Océan Indien) et ayant peu de rapport avec la culture anglo-américaine. Les racines du jazz plongent dans l’évolution de la société créole au courant du XIXe siècle, étant entendu que la plupart des musiciens de jazz du début étaient des Créoles de Louisiane ou de la région caraïbe : souvent les musiciens créoles changeaient leur nom à consonance créole pour éviter l’épithète de frenchy qui, en mettant en évidence leur origine noire, les gênait dans leur carrière.
On retrouve donc le jazz créole dans les territoires d’outremer français ou ex-français tels les Antilles comme la Martinique et la Guadeloupe, ainsi qu’en Guyane, à la Réunion, Madagascar, Maurice, mais aussi dans les Antilles anglaises comme Trinidad, les Seychelles, La Barbade, et dans les îles portugaises et espagnoles comme le Cap Vert ou les Açores… Puis, évidemment, aux Etats-Unis à La Nouvelle-Orléans !
On ne pourra pas parler de tous les groupes créoles, car ils sont trop nombreux, mais on peut évoquer les plus importants, et surtout ceux qui se produisent ou se sont produits en France.
Bertrand Dicale, un grand journaliste musical, dans son livre « Ni noires ni blanches, histoire des musiques créoles » parle des liens étroits entretenus entre la biguine et le jazz. Il dit de la biguine : « Avant que ce soit un genre en soi, c’est une façon particulière de jouer une musique ». Dans les années 60, arrivent les mouvements Indépendantistes et l’avènement du gwoka (Gérard Lockel), soutenu par l’écrivain Edouard Glissant qui défend la créolité et non la négritude comme Aimé Césaire. Pour lui, la biguine est une musique de rencontre et de partage.
On ne pourra pas parler de tous les artistes qui ont honoré le jazz créole car ils sont trop nombreux, mais on va au moins citer les principaux.
Les Antillais qui ont ouvert la biguine au jazz :
Le Big Band in Jazz Collective
La biguine, née à Saint-Pierre en Martinique de la musique de danses de salons et du bèlè qui est un rythme d’origine africaine venu des campagnes, est interprétée dans les salons de maîtres par ceux nommés « nègres à talent » et a vu son ascension stoppée par l’éruption du volcan de la Montagne Pelée en 1902. Elle s’est transformée, a enfanté d’autres styles, mais demeure la mère des musiques de la Martinique. Le Big Band in Jazz Collective est un Collectif de jeunes musiciens entre 25 et 50 ans. Il représente les forces vives du jazz contemporain antillais et ambitionne d’accentuer encore le lien entre la biguine et le jazz en reprenant les standards des grands compositeurs antillais ayant déjà ouvert la biguine au jazz : Alain Jean-Marie, Eugène Mona, Marius Cultier, Albert Lirvat, Alexandre Stellio en leur donnant un coup de fouet.
Alain Jean-Marie
L’un des plus importants. il a joué avec tout le monde : Chet Baker, Abbey Lincoln, Max Roach, Dee Dee Bridgewater, Barney Wilen, et il continue toujours. Il a abordé en jazzman la biguine et la musique antillaise qui partagent avec le blues les mêmes racines, celles très riches, très denses d’une histoire musicale très fertile que peu de musiciens ont autant défendu que lui dans une expression originale. « Je ressens une histoire commune… toutes ces musiques ont les mêmes racines, issues de la rencontre en Amérique de l’Afrique et de l’Europe, et la musique diffère en fonction du colonisateur… La prise de conscience de notre identité créole m’a été insufflée par Glissant qui m’a poussé à faire des efforts pour avoir une musique de fusion de biguine et jazz, des musiques de rencontre et de partage. »
Akoda Jazz Créole
Des compositions pures distillées par le piano de Valérie Chane Tef pour l’accompagner, une rythmique bien chaloupée tenue par une basse et un set de percussions de l’île de la Réunion à La Nouvelle-Orléans en passant par les Caraïbes, le jazz créole comme ils le précisent : et comme le jazz, ils sont imprévisibles ! « Biguine, mazurka, maloya, afro-jazz, l’énergie d’Akoda Jazz Créole n’a pas de pareille… On marche au rythme du cœur au rythme d’Akoda Jazz Créole, parce qu’il est l’heure du bonheur ».
Mario Canonge
Les plus belles pages du jazz antillais : pendant plus de douze ans, le pianiste Mario Canonge se produisit chaque mercredi avec le contrebassiste Michel Zenino au Baiser Salé à Paris, et ils ont même fait un festival et finirent par faire un quintet.
Arnaud Dolmen
Un Guadeloupéen exceptionnel : un mélange de puissance et de douceur, loin de l’esbroufe. Il a le groove au bout des doigts : un jazz vif aux audaces harmoniques, mêlant les mélopées africaines, loin des clichés exotiques. Couleur nouvelle mêlant biguine et jazz-bop.
Le Créole Jazz Orchestra
Mélange créole de La Nouvelle-Orléans, St Denis de la Réunion, les Caraïbes et Amérique du Sud. Le monde créole dans sa globalité ! Rencontre des musicalités de 11 musiciens : jazz, folk, ethnique et trépidant. Il réunit toutes les musiques créées à partir des rythmes issus du métissage humain et culturel engendré par l’esclavage. « Le groove insidieux uni à la quête existentielle d’un Sonny Rollins tutoyant les cimes aux côtés d’un Miles Davis, période 60’s… Un jazz folk, ethnique, trépidant, hanté par les racines d’une animalité débridée ».
Bonga
Angolais, exilé politique, ancien champion olympique du 400 mètres, Bonga se produisait dans des cabarets brésiliens et antillais puisqu’il parlait portugais et créole. Ce fut au Discophage, haut lieu de la musique brésilienne, qu’il fréquenta tous les Brésiliens et les chanteurs français fans du Brésil comme Bernard Lavilliers qui, des années après, enregistrera une de ses chansons. Voix au timbre un peu cassé et d’une grande sensualité, il finit par être programmé dans les grandes salles et les grands festivals. Je le fis passer à Nice alors qu’il était encore très peu connu au Théâtre du Vieux-Nice, devenu Francis Gag par la suite. Puis il est passé plusieurs fois au Festival des Nuits du Sud à Vence. Il réside maintenant à Lisbonne.
Omar Sosa
Le Creole Spirits naît de la rencontre de deux musiciens caribéens : Omar Sosa, pianiste cubain et le Guadeloupéen Jacques Schwarz-Bart. Omar Sosa est pianiste, arrangeur, percussionniste : il fait se rencontrer toutes les musiques et chaque concert est un événement par la dynamique dont il fait preuve et qui se répand autour de lui. Il aura fait toutes les formations : solos, trio, sextet, octet avec les plus grands musiciens du latin jazz. Il est le grand réformateur de la musique afro-caribéenne contemporaine et un des plus emblématique de ce métissage qui a bouleversé le paysage musical mondial. Ses concerts sont un instant de grâce, une cérémonie symphonique colorée et joyeuse.
Jacques Schwarz-Bart
Un musicien très sensibilisé à la culture créole. Son futur album Mosaic rassemblera des musiciens africains et la diaspora afro-caribéenne à travers 10 pays : Brésil, Colombie, Haïti, Cuba, Trinidad, Guadeloupe, Martinique, Maroc et Cap Vert. Ce musicien a fait 150 albums avec les plus grands dont Chucho Valdés. Pour ce fameux disque, il va parcourir l’Amérique Latine, les Caraïbes et l’Afrique pour approfondir les liens.
Don Vappie
Le jeune Hendrix du banjo ! Banjoïste, chanteur créole de La Nouvelle-Orléans, primé à différentes reprises, il est reconnu à travers le monde comme le représentant contemporain d’une longue lignée de musiciens tels que Danny Barker et Johnny St. Cyr. Il reprend le flambeau de la riche histoire musicale créole. Artiste emblématique de sa ville, de sa culture, on le retrouve dans tous les festivals et les salles de concert aux quatre coins du globe. Vieux standards louisianais en langue créole.
Les Vikings et la Perfecta
« Jazz créole », la musique des Vikings et de la Perfecta est enracinée dans de multiples traditions insulaires et libre de toute contrainte. Influences diverses : les brass bands de La Nouvelle-Orléans, le kompa haïtien, la salsa cubaine, le calypso trinidadien, le merengue de la Dominique… En intégrant ces importations à leur propre héritage antillais (biguine et tambours ka ou bèlè), les Vikings et la Perfecta inventent la modernité créole qui débute dans les années 50 et s’achève avec l’avènement du zouk dans les années 80. Les Vikings et la Perfecta incarnent l’irrévérence et l’impétuosité d’une génération autodidacte, décidée à bousculer les institutions, et la Guadeloupe est vite submergée d’arpèges funky et jazzy !
Mizikopéyi Créole Band
Tony Chasseur, une des plus grandes voix du jazz et de la world music, a créé le seul big band de jazz des Caraïbes. 18 musiciens : direction Thierry Valon, les titres emblématiques de la mémoire antillaise avec des invités prestigieux : Alain Jean-Marie, Jacques Schwarz-Bart et Arnaud Dolmen. Métissage, rythme traditionnel et populaire, et mélodies afro-caribéennes avec 12 cuivres !
Jenny Alpha
Chanteuse et comédienne de Fort-de-France, elle s’est toujours battue pour la culture créole. Elle fut d’abord attirée par le théâtre, mais à son époque (coloniale !) elle ne peut réaliser son rêve, et elle se tourne alors vers le music-hall où Joséphine Baker sévit déjà. Elle enregistre des disques en créole, puis délaisse la chanson pour devenir actrice. Ce n’est qu’après la diffusion d’un documentaire sur elle que, à cause du succès de ce reportage alors qu’elle a 98 ans, elle retrouve la route des studios pour réaliser un album avec ses anciens succès comme « La sérénade du muguet » en compagnie de Thomas Dutronc et du Mauricien Alain Ramanisum !
James Andrews
Artiste de La Nouvelle-Orléans qui fut un des rares (avec son frère Trombone Shorty) à retourner dans sa ville après le séisme récent et qui joue toujours du jazz traditionnel, il est évidemment empreint de culture créole disons « new orléanaise » !
NON, Le Jazz Créole n’est pas mort !
#Chronique : Dr. John « Things happen that way »
DR. JOHN
« Things happen that way »
(ROUNDER /CONCORD)
Chanteur pianiste guitariste du Bayou, il nous a quittés le 6 juin 2019. Sacré personnage avec ses gris-gris, et surtout sa musique via La Nouvelle-Orléans, mêlant blues, jazz, boogie-woogie, gospel, country rock, et saupoudrée de sonorités psychédéliques, juste ce qu’il faut. Ces titres ont été enregistrés en 2017-18. Avec sa belle voix grave et son phrasé unique, il revisite des chansons de sa jeunesse. Revues et réadaptées à sa sauce comme des titres d’Hank Williams « Ramblin’ man », ou de Willie Nelson « Funny How Time Slips Away ». Pour « End Of The Line », il est accompagné de la chanteuse Katie Pruitt et d’Aaron Neville, appuyé avec une belle section de cuivres. C’est la chanson « Guess Things Happen That Way », qui a été rendue populaire par Johnny Cash, que le Doc interprète alliant autant d’émotions, et une certaine mélancolie… On remarque aussi la présence de Rickie Lee Jones. Redécouvrez sa discographie si dense et éclectique. Et cette bonne ultime prescription du Doc pour ce « Things happen that way » !
Panorama des B.O de musiques de film jazz dans le cinéma français.
On commence par le film incontournable de la Nouvelle Vague « À bout de souffle » de Jean-Luc Godard, sorti en 1960. Il reste d’une modernité saisissante. Une œuvre novatrice, en particulier dans sa bande originale. Jean-Pierre Melville apprécie grandement le travail de Martial Solal dans « Deux hommes dans Manhattan » et il le recommande à Jean-Luc Godard pour son film « À bout de souffle ». Les consignes de Jean-Luc Godard à Martial Solal sont minimes, il dispose d’une grande liberté notamment dans le choix d’un orchestre et de musiciens pour une bande originale jazz. Il compose deux thèmes principaux de 5 notes chacun, permettant de coller aux différentes ambiances du film. Si la bande originale du film donne l’impression d’être improvisée, c’est en raison du montage. Une fois la composition terminée, Jean-Luc Godard dispose librement les musiques dans le film. En fonctionnant ainsi, il exclut le compositeur du montage, devenant lui-même improvisateur. Dans le film, la musique a un discours parallèle à l’image. Intégrée aux bruits de la rue, elle semble ponctuer l’œuvre. Un procédé mélangé aux autres techniques cinématographiques novatrices de Jean-Luc Godard dont le tout confère à ce film une dimension rythmique unique.
Nous nous trouvons maintenant en 1979 avec le film « Courage Fuyons ». Vladimir Cosma retrouve Yves Robert dans cette comédie romantique pour la 8ème fois depuis leur rencontre sur « Alexandre le bienheureux » (1968). Il renoue avec la couleur jazz du diptyque « Un éléphant ça trompe énormément » et « Nous irons tous au paradis » (également écrits par Jean-Loup Dabadie), mais avec une guitare manouche qui annonce celle du « Dîner de cons »). Comme pour d’autres musiques de ses films, Vladimir Cosma reprend ce thème à la guitare manouche, interprété par Philip Catherine. Dans le cabaret, Catherine Deneuve chante Lady from Amsterdam, chanson composée pour l’occasion par Vladimir Cosma, et aux paroles écrites par Boris Bergman et Jean-Loup Dabadie. Il s’agit de la première fois où l’actrice n’est pas doublée pour le chant.
En 1960, Gainsbourg signe la bande originale du film « L’eau à la bouche » de Jacques Doniol-Valcroze. Michel Galabru et Bernadette Lafont jouent à merveille un couple fripon dans un château des Pyrénées-Orientales où six personnages réunis pour régler une question d’héritage se laissent aller au marivaudage. Les paroles de Gainsbourg qui servent l’intrigue amoureuse s’immiscent dans cette zone grise de la séduction. Entre prédateur (Je t’en prie ne sois pas farouche / Quand me vient l’eau à la bouche (…) Je te veux confiante, je te sens captive / Je te veux docile, je te sens craintive / Je ne prends que ta bouche) et homme patient capable d’attendre l’accord explicite de sa partenaire (Si tu veux bien / Je te prendrais doucement et sans contrainte), Gainsbourg fait sa danse nuptiale à la frontière du consentement et de la « liberté d’importuner » revendiquée par Catherine Deneuve (qu’il surnommait Catherine d’Occase) et BB dans une tribune au Monde de janvier 2018. « Nous pensons que la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté d’importuner », concluent ces femmes qui débutent leur texte en estimant que « la drague insistante ou maladroite n’est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste ».
Flic ou voyou (1979) : il s’agit de la 7ème collaboration entre Georges Lautner et son fidèle compositeur Philippe Sarde qui propose un mélange inédit entre la dimension classique des cordes avec une flute et le jazz avec l’apport du trompettiste de jazz américain Chet Baker. Film policier assez farfelu, mais porté haut par son interprète principal avec un bagou et une sympathie désarmante. Par conséquent, le film s’avère n’être qu’une accumulation de scènes parfois très réussies et parfois non. On ressent un sentiment à la fois d’une extrême jubilation et d’inachevé. Heureusement, la musique de Philippe Sarde convoque la crème du jazz pour interpréter sa partition. Son générique, par une alternance de musique inspirée du baroque et de musique jazz, marque l’ambivalence du personnage principal.
Je termine par un film plus récent dont la B.O. est composée par un musicien extraordinaire, Ibrahim Maalouf qui signe la musique de la comédie de Gad Elmaleh, « Reste un peu ». Fort d’une grande créativité et sensibilité musicale, le compositeur et musicien Ibrahim Maalouf enchaîne des bandes originales de film. Après « Jusqu’ici tout va bien », « 9 jours à Raqqa » ou encore plus récemment « Citoyen d’Honneur », le trompettiste a composé pour la comédie familiale de Gad Elmaleh un thème musical principal avec une mélodie facilement identifiable à l’atmosphère mélancolique et légèrement dansante, un thème à partir duquel plusieurs variations animent les scènes du film. Les mélodies touchantes et exécutées avec la virtuosité reconnaissable d’Ibrahim Maalouf traduisent donc parfaitement l’état d’esprit du réalisateur et du film. Le trompettiste met aussi en musique les questionnements de Gad Elmaleh ainsi que ses émotions, notamment dans les compositions de « Casablanca Memories ».
#Interview : Erik Truffaz
Le Jazzophone rencontre le trompettiste Erik Truffaz dans sa loge, à la scène 55 de Mougins, peu avant l’heure des balances.
Si on en croit les biographies, vous jouez de la trompette depuis l’âge de 5 ans. Est-ce que vous avez toujours voulu en faire votre métier ?
A 5 ans peut-être pas. Mais dès l’adolescence oui, sûrement. J’ai joué dans un orchestre de bal à 13 ans.
Et le jazz, c’est venu tout de suite aussi ?
Non, je faisais de la variété, après du jazz-rock, ensuite je suis venu vers un jazz moins amplifié.
Très vite, dès votre deuxième album, vous intégrez le prestigieux label Blue Note. Pouvez-vous nous raconter comment s’est faite la rencontre avec eux ?
C’est une série de hasards. Quand j’avais 18 ans, j’étais prof de piano. Un de mes anciens élèves était à un concert que j’ai donné à Avignon. Il travaillait pour EMI. Il m’a dit : « Si tu veux, je peux essayer de leur passer ta nouvelle musique. En échange, je deviendrai ton manager si cela réussit ». Et il se trouve que EMI avait un label de jazz Home Records qui a fermé. Ils étaient d’accord pour me prendre, mais ils ont fait faillite. Et au même moment, le label Blue Note aux Etats-Unis souhaite ouvrir un département depuis la France. Et j’étais prêt. Et voilà ! C’est un bon coup de chance.
Si on excepte Out Of A Dream en 1997, plutôt dans le style hard bop, vous vous détachez vite des canons du jazz américain pour métisser votre musique.
Oui, tout à fait. Avec le bassiste Marcello Giuliani qui vient juste de passer, on jouait de la musique dans les clubs qui étaient plus Drum and Bass, et on faisait aussi partie d’un groupe de rap. Et du coup, cela nous a influencés. Et nous allions jouer à Londres une fois par mois. La résultante est « The Dawn » (Blue Note -1998).
Et c’est l’album qui vous a fait connaître d’un plus grand public ?
Ah oui, tout à fait.
Dans les albums suivants, il va y avoir un peu de pop, de rock, de l’électro ?
Oui, il y a toujours ça !
Comment choisissez-vous la direction que va prendre votre musique, à chaque nouvel album ?
Il n’y a pas que moi qui choisis. Je dois avouer que l’on travaille beaucoup avec Marcello Giuliani. Et là, c’est lui qui m’a présenté les nouveaux musiciens. (Raphaël Chassin à la batterie, Matthis Pascaud à la guitare, Alexis Anérilles aux claviers). Ensuite cela passe souvent par des rencontres. Pratiquement tous les invités qui sont sur mes albums sont des gens qui m’ont invité auparavant, que j’ai croisés et entendus dans des festivals.
Est-ce que les musiciens de votre quartet, les invités sont impliqués dans ces choix, dans la conception de l’album.
Les musiciens du groupe oui, les invités pas vraiment.
Est-ce qu’ils vous proposent des compositions ?
En général oui, mais pour le prochain album, ce sont des reprises de musiques de film. Mais les autres albums, on les a composés, arrangés ensemble. Ce n’est pas : ils arrivent, et c’est tout fait. On met des bouts par-ci par-là, puis cela devient l’album.
Les voix sont aussi apparues très vite dans vos albums. Qu’est-ce qu’elles apportent à votre musique ?
Oui, déjà le rappeur à l’époque, puis Sly Johnson ou Christophe et Oxmo Puccino.
C’est important la voix pour votre musique ?
Disons qu’avec les voix on peut faire des chansons ; et les chansons c’est très important dans la vie.
Est-ce que les voix contribuent à installer les climats particuliers associés à chaque album ?
Non, ça les complémentent plutôt. La base est la musique instrumentale. Mais la voix est aussi un véhicule populaire. Les titres les plus téléchargés qui me font connaître dans le monde sont ceux avec les voix.
Vous avez dit un jour que vous aimiez bien que vos albums fonctionnent comme un roman, comme un film avec un scénario avec des moments forts et d’autres plus légers ?
Oui tout à fait. Et les concerts c’est comme ça aussi.
C’est particulièrement vrai dans votre dernier disque en date « Lune Rouge ».
Ah oui, en effet. Il y a des moments où cela se repose, puis d’autres où ça s’accélère. Mais chacun peut se faire sa propre histoire.
Ce qui est une transition toute trouvée pour le nouveau projet que nous allons entendre ce soir, « French Touch », où vous reprenez des thèmes de musiques de film du cinéma français. Vous pouvez nous parler de la genèse et de la construction de ce projet ?
L’idée est partie d’une invitation au festival du cinéma d’Angoulême. Le directeur et la directrice m’ont invité à jouer des musiques de film pour la cérémonie de clôture. C’était très chouette à faire. Le label Blue Note est revenu vers moi pour me re-signer, et je leur ai proposé ce projet. Ils ont été partants.
Est-ce que « Lune Rouge » va continuer de tourner en parallèle ?
De moins en moins. On a encore quelques concerts prévus. Par contre Benoît Corboz qui joue les claviers et qui a mixé « Lune Rouge » va mixer aussi « French Touch ».
La scène reste importante pour vous, ou vous pourriez vous contenter de faire des disques ?
Ah non, non, la scène c’est formidable ! C’est un peu comme une drogue, on a du mal à s’en passer. On transmet quelque chose aux gens, on reçoit quelque chose en retour. C’est un moment unique, c’est merveilleux.
Il n’y a donc pas de lassitude ?
Pas du tout. La seule chose dont je peux me lasser sont les transports en avion, les déplacements, mais pas la scène ! Tous les efforts qu’on fait tendent vers ce moment-là, la scène !
Et il prend son chapeau et sa trompette pour aller fignoler les balances avec ses musiciens…
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