#LiveReport : Hermon Mehari Quartet

Le théâtre Alexandre III à Cannes affiche une nouvelle fois complet pour ce Jeudi du Jazz. Hermon Mehari, le trompettiste de Kansas City (désormais parisien) nous propose de découvrir son projet Asmara (Komos 2022) en hommage à la musique du pays d’origine de ses parents l’Érythrée.

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Ecrit par Jacques Lerognon

#Chronique : Sissoko Segal Parisien Peirani : Les égarés

En écoutant le magnifique album Les Égarés, on comprend que les mathématiques ont raison : lorsque les duos se forment, celui de Vincent Peirani à l’accordéon et Émile Parisien au saxophone d’une part, et celui de Ballaké Sissoko à la Kora et Vincent Segal au violoncelle d’autre part, ils fusionnent et s’enrichissent mutuellement, décuplant leurs talents et leurs inspirations. Suite →

Ecrit par Corinne Naidet

Un film sur le jazz :  » The Cincinnati Kid  » de Norman Jewison.

Véritable classique récemment ressorti,  » Le Kid de Cincinnati  » , de Norman Jewison, est un film mythique .  En plus d’être l’un des premiers grands rôles de Steve Mc Queen,, le film offre un peinture fidèle de la Nouvelle Orléans au moment de La Grande Dépression  et du jazz,  qui à l’époque gagne ses premiers titres de noblesse dans les cabarets et théâtres de la fameuse  » Crescent City « .

Centrè autour d’une mythique partie de poker, le film en profite pour dépeindre New Orleans des années 30, avec  les paris frauduleux, la prostitution , la pègre omniprésente et bien sur le jazz, avec l’apparition à l’écran de figures célèbres , comme la pianiste et chanteuse Sweet Emma Barrett, et  aussi Cab Calloway.  Ainsi que de nombreuses scènes de  » marching bands  » ( orchestres ambulants, avec un très belle scène d’enterrement « New Orleans style » qui ouvre le film ) ), de références au blues ,  et de vies « on the edge  » ( à  la marge  ).    De plus, le film est teinté d’un érotisme , certes léger, mais tout à fait sulfureux… Ajoutons que scénario est de Richard Jessup, adapté de son  roman.  Jessup fut au début de sa carrière  donneur de cartes dans une maison de jeu de Harlem . Il connaissait le sujet… et le jazz, bien sur. Citons aussi la superbe musique de Lalo Schifrin, lui -même très influencé par le jazz, et la chanson du générique  chantée par rien moins que Ray Charles<iframe width= »560″ height= »315″ src= »https://www.youtube.com/embed/tj4tgdoc3Uo » title= »YouTube video player » frameborder= »0″ allow= »accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share » allowfullscreen></iframe>

 

Le  » Cincinnati Kid  » ressort en copie restaurée ce jours-ci . Ne le ratez pas ! Un pur bonheur , frappé à l’aune de l’authenticité .

Gilbert D’Alto.

Ecrit par Gilbert D'Alto

#Histoire : Le Jazz Créole

Si lon considère comme le bassiste Stephane Castry que la musique est « un moyen de promouvoir nos cultures et nos traditions », le jazz créole en est lillustration parfaite !

Une musique issue de la rencontre entre Amérique, Afrique et Europe !

Le jazz est partout, et le créole une langue de rencontres. Né sur le bateau dAfrique aux Amériques, on retrouve le même créole dans les îles anglaises que dans les îles françaises ainsi qu’à La Nouvelle-Orléans. Il est lié à lhistoire de lesclavage et de la colonisation.

Selon la confession dun colonisateur, les Français catholiques toléraient le tambour interdit chez les Anglais !

En fonction de ces influences, les grands jazzmen se tourneront vers des rythmes différents, par exemple Sonny Rollins vers le calypso, Dizzy Gillespie la samba, Stan Getz la bossa, pour ne citer queux !

En fait, le Jazz créole réunit toutes les musiques créées à partir du rythme, issues du métissage humain et culturel engendré par lesclavage.

Il est composé de multiples traditions :

– le brass band de La Nouvelle-Orléans

– le kompa haïtien

– la salsa cubaine

– le calypso trinidadien

– le merengue dominicain

– le maloya réunionnais

– la biguine et le zouk, martiniquais et guadeloupéen

En fait, le jazz émergé à La Nouvelle-Orléans au début du XXe siècle nest pas anglo-américain : les sources du jazz résident dans une société coloniale françaiseles racines du jazz plongent dans l’évolution de la société créole courant XIXe, les musiciens étaient pour la plupart des Créoles de Louisiane et de la région caraïbe : 1500 colons ont fui Saint-Domingue pour La Nouvelle-Orléans, puis arrivent 9000 colons et Noirs libres de Cuba, et dix ans plus tard 4500 Noirs.

Les premiers musiciens de jazz ont des noms bien domingois, entre autres Domingo Ferdinand Joseph Lamothe : musique vaudoue et jazz.

« Cest le rythme qui cimente les multiples aspects de l’âme noire, disait Sartre, cest lui qui communique la légèreté à ces lourdes intentions dionysiaques, cest le rythme (tam-tam, jazz) qui figure la temporalité de lexistence nègre. »

« Si les Bonga, Azor, ou autres sont dignes dun respect sonore, cest parce quils tiennent au bout de leurs doigts le pouvoir de racheter tout le tragique de lexistence humaine. Ce pouvoir de transfigurer notre misère par des vibrations aptes à générer des danses de sympathie cosmique » ! Melville Herskovits

Les sources du jazz créole résident dans une société coloniale française géographiquement diffuse (Caraïbes et Océan Indien) et ayant peu de rapport avec la culture anglo-américaine. Les racines du jazz plongent dans l’évolution de la société créole au courant du XIXe siècle, étant entendu que la plupart des musiciens de jazz du début étaient des Créoles de Louisiane ou de la région caraïbe : souvent les musiciens créoles changeaient leur nom à consonance créole pour éviter l’épithète de frenchy qui, en mettant en évidence leur origine noire, les gênait dans leur carrière. 

On retrouve donc le jazz créole dans les territoires doutremer français ou ex-français tels les Antilles comme la Martinique et la Guadeloupe, ainsi quen Guyane, à la Réunion, Madagascar, Maurice, mais aussi dans les Antilles anglaises comme Trinidad, les Seychelles, La Barbade, et dans les îles portugaises et espagnoles comme le Cap Vert ou les AçoresPuis, évidemment, aux Etats-Unis à La Nouvelle-Orléans !

On ne pourra pas parler de tous les groupes créoles, car ils sont trop nombreux, mais on peut évoquer les plus importants, et surtout ceux qui se produisent ou se sont produits en France.

Bertrand Dicale, un grand journaliste musical, dans son livre « Ni noires ni blanches, histoire des musiques créoles » parle des liens étroits entretenus entre la biguine et le jazz. Il dit de la biguine : « Avant que ce soit un genre en soi, cest une façon particulière de jouer une musique ». Dans les années 60, arrivent les mouvements Indépendantistes et lavènement du gwoka (Gérard Lockel), soutenu par l’écrivain Edouard Glissant qui défend la créolité et non la négritude comme Aimé Césaire. Pour lui, la biguine est une musique de rencontre et de partage.

On ne pourra pas parler de tous les artistes qui ont honoré le jazz créole car ils sont trop nombreux, mais on va au moins citer les principaux.

Les Antillais qui ont ouvert la biguine au jazz :

Le Big Band in Jazz Collective

La biguine, née à Saint-Pierre en Martinique de la musique de danses de salons et du bèlè qui est un rythme dorigine africaine venu des campagnes, est interprétée dans les salons de maîtres par ceux nommés « nègres à talent » et a vu son ascension stoppée par l’éruption du volcan de la Montagne Pelée en 1902. Elle sest transformée, a enfanté dautres styles, mais demeure la mère des musiques de la Martinique. Le Big Band in Jazz Collective est un Collectif de jeunes musiciens entre 25 et 50 ans. Il représente les forces vives du jazz contemporain antillais et ambitionne daccentuer encore le lien entre la biguine et le jazz en reprenant les standards des grands compositeurs antillais ayant déjà ouvert la biguine au jazz : Alain Jean-Marie, Eugène Mona, Marius Cultier, Albert Lirvat, Alexandre Stellio en leur donnant un coup de fouet.

Alain Jean-Marie

Lun des plus importants. il a joué avec tout le monde : Chet Baker, Abbey Lincoln, Max Roach, Dee Dee Bridgewater, Barney Wilen, et il continue toujours. Il a abordé en jazzman la biguine et la musique antillaise qui partagent avec le blues les mêmes racines, celles très riches, très denses dune histoire musicale très fertile que peu de musiciens ont autant défendu que lui dans une expression originale. « Je ressens une histoire communetoutes ces musiques ont les mêmes racines, issues de la rencontre en Amérique de lAfrique et de lEurope, et la musique diffère en fonction du colonisateurLa prise de conscience de notre identité créole ma été insufflée par Glissant qui ma poussé à faire des efforts pour avoir une musique de fusion de biguine et jazz, des musiques de rencontre et de partage. »

Akoda Jazz Créole

Des compositions pures distillées par le piano de Valérie Chane Tef pour laccompagner, une rythmique bien chaloupée tenue par une basse et un set de percussions de l’île de la Réunion à La Nouvelle-Orléans en passant par les Caraïbes, le jazz créole comme ils le précisent : et comme le jazz, ils sont imprévisibles ! « Biguine, mazurka, maloya, afro-jazz, l’énergie dAkoda Jazz Créole na pas de pareilleOn marche au rythme du cœur au rythme dAkoda Jazz Créole, parce quil est lheure du bonheur ».

Mario Canonge

Les plus belles pages du jazz antillais : pendant plus de douze ans, le pianiste Mario Canonge se produisit chaque mercredi avec le contrebassiste Michel Zenino au Baiser Salé à Paris, et ils ont même fait un festival et finirent par faire un quintet.

Arnaud Dolmen

Un Guadeloupéen exceptionnel : un mélange de puissance et de douceur, loin de lesbroufe. Il a le groove au bout des doigts : un jazz vif aux audaces harmoniques, mêlant les mélopées africaines, loin des clichés exotiques. Couleur nouvelle mêlant biguine et jazz-bop.

Le Créole Jazz Orchestra

Mélange créole de La Nouvelle-Orléans, St Denis de la Réunion, les Caraïbes et Amérique du Sud. Le monde créole dans sa globalité ! Rencontre des musicalités de 11 musiciens : jazz, folk, ethnique et trépidant. Il réunit toutes les musiques créées à partir des rythmes issus du métissage humain et culturel engendré par lesclavage. « Le groove insidieux uni à la quête existentielle dun Sonny Rollins tutoyant les cimes aux côtés dun Miles Davis, période 60sUn jazz folk, ethnique, trépidant, hanté par les racines dune animalité débridée ».

Bonga

Angolais, exilé politique, ancien champion olympique du 400 mètres, Bonga se produisait dans des cabarets brésiliens et antillais puisquil parlait portugais et créole. Ce fut au Discophage, haut lieu de la musique brésilienne, quil fréquenta tous les Brésiliens et les chanteurs français fans du Brésil comme Bernard Lavilliers qui, des années après, enregistrera une de ses chansons. Voix au timbre un peu cassé et dune grande sensualité, il finit par être programmé dans les grandes salles et les grands festivals. Je le fis passer à Nice alors quil était encore très peu connu au Théâtre du Vieux-Nice, devenu Francis Gag par la suite. Puis il est passé plusieurs fois au Festival des Nuits du Sud à Vence. Il réside maintenant à Lisbonne.

Omar Sosa

Le Creole Spirits naît de la rencontre de deux musiciens caribéens : Omar Sosa, pianiste cubain et le Guadeloupéen Jacques Schwarz-Bart. Omar Sosa est pianiste, arrangeur, percussionniste : il fait se rencontrer toutes les musiques et chaque concert est un événement par la dynamique dont il fait preuve et qui se répand autour de lui. Il aura fait toutes les formations : solos, trio, sextet, octet avec les plus grands musiciens du latin jazz. Il est le grand réformateur de la musique afro-caribéenne contemporaine et un des plus emblématique de ce métissage qui a bouleversé le paysage musical mondial. Ses concerts sont un instant de grâce, une cérémonie symphonique colorée et joyeuse.

Jacques Schwarz-Bart

Un musicien très sensibilisé à la culture créole. Son futur album Mosaic rassemblera des musiciens africains et la diaspora afro-caribéenne à travers 10 pays : Brésil, Colombie, Haïti, Cuba, Trinidad, Guadeloupe, Martinique, Maroc et Cap Vert. Ce musicien a fait 150 albums avec les plus grands dont Chucho Valdés. Pour ce fameux disque, il va parcourir lAmérique Latine, les Caraïbes et lAfrique pour approfondir les liens.

Don Vappie

Le jeune Hendrix du banjo ! Banjoïste, chanteur créole de La Nouvelle-Orléans, primé à différentes reprises, il est reconnu à travers le monde comme le représentant contemporain dune longue lignée de musiciens tels que Danny Barker et Johnny St. Cyr. Il reprend le flambeau de la riche histoire musicale créole. Artiste emblématique de sa ville, de sa culture, on le retrouve dans tous les festivals et les salles de concert aux quatre coins du globe. Vieux standards louisianais en langue créole.

Les Vikings et la Perfecta

« Jazz créole », la musique des Vikings et de la Perfecta est enracinée dans de multiples traditions insulaires et libre de toute contrainte. Influences diverses : les brass bands de La Nouvelle-Orléans, le kompa haïtien, la salsa cubaine, le calypso trinidadien, le merengue de la DominiqueEn intégrant ces importations à leur propre héritage antillais (biguine et tambours ka ou bèlè), les Vikings et la Perfecta inventent la modernité créole qui débute dans les années 50 et sachève avec lavènement du zouk dans les années 80. Les Vikings et la Perfecta incarnent lirrévérence et limpétuosité dune génération autodidacte, décidée à bousculer les institutions, et la Guadeloupe est vite submergée darpèges funky et jazzy !

Mizikopéyi Créole Band

Tony Chasseur, une des plus grandes voix du jazz et de la world music, a créé le seul big band de jazz des Caraïbes. 18 musiciens : direction Thierry Valon, les titres emblématiques de la mémoire antillaise avec des invités prestigieux : Alain Jean-Marie, Jacques Schwarz-Bart et Arnaud Dolmen. Métissage, rythme traditionnel et populaire, et mélodies afro-caribéennes avec 12 cuivres !

Jenny Alpha

Chanteuse et comédienne de Fort-de-France, elle sest toujours battue pour la culture créole. Elle fut dabord attirée par le théâtre, mais à son époque (coloniale !) elle ne peut réaliser son rêve, et elle se tourne alors vers le music-hall où Joséphine Baker sévit déjà. Elle enregistre des disques en créole, puis délaisse la chanson pour devenir actrice. Ce nest quaprès la diffusion dun documentaire sur elle que, à cause du succès de ce reportage alors quelle a 98 ans, elle retrouve la route des studios pour réaliser un album avec ses anciens succès comme « La sérénade du muguet » en compagnie de Thomas Dutronc et du Mauricien Alain Ramanisum !

James Andrews

Artiste de La Nouvelle-Orléans qui fut un des rares (avec son frère Trombone Shorty) à retourner dans sa ville après le séisme récent et qui joue toujours du jazz traditionnel, il est évidemment empreint de culture créole disons « new orléanaise » !

NON, Le Jazz Créole nest pas mort !

Ecrit par Françoise Miran

#Chronique : Dr. John « Things happen that way »

DR. JOHN

« Things happen that way »

(ROUNDER /CONCORD)

Chanteur pianiste guitariste du Bayou, il nous a quittés le 6 juin 2019. Sacré personnage avec ses gris-gris, et surtout sa musique via La Nouvelle-Orléans, mêlant blues, jazz, boogie-woogie, gospel, country rock, et saupoudrée de sonorités psychédéliques, juste ce qu’il faut. Ces titres ont été enregistrés en 2017-18. Avec sa belle voix grave et son phrasé unique, il revisite des chansons de sa jeunesse. Revues et réadaptées à sa sauce comme des titres d’Hank Williams « Ramblin’ man », ou de Willie Nelson « Funny How Time Slips Away ». Pour « End Of The Line », il est accompagné de la chanteuse Katie Pruitt et d’Aaron Neville, appuyé avec une belle section de cuivres. C’est la chanson « Guess Things Happen That Way », qui a été rendue populaire par Johnny Cash, que le Doc interprète alliant autant d’émotions, et une certaine mélancolie… On remarque aussi la présence de Rickie Lee Jones. Redécouvrez sa discographie si dense et éclectique. Et cette bonne ultime prescription du Doc pour ce « Things happen that way » !

Ecrit par Jack Lalli

Panorama des B.O de musiques de film jazz dans le cinéma français.

On commence par le film incontournable de la Nouvelle Vague « À bout de souffle » de Jean-Luc Godard, sorti en 1960. Il reste dune modernité saisissante. Une œuvre novatrice, en particulier dans sa bande originale. Jean-Pierre Melville apprécie grandement le travail de Martial Solal dans « Deux hommes dans Manhattan » et il le recommande à Jean-Luc Godard pour son film « À bout de souffle ». Les consignes de Jean-Luc Godard à Martial Solal sont minimes, il dispose dune grande liberté notamment dans le choix dun orchestre et de musiciens pour une bande originale jazz. Il compose deux thèmes principaux de 5 notes chacun, permettant de coller aux différentes ambiances du film. Si la bande originale du film donne l’impression d’être improvisée, c’est en raison du montage. Une fois la composition terminée, Jean-Luc Godard dispose librement les musiques dans le film. En fonctionnant ainsi, il exclut le compositeur du montage, devenant lui-même improvisateur. Dans le film, la musique a un discours parallèle à limage. Intégrée aux bruits de la rue, elle semble ponctuer l’œuvre. Un procédé mélangé aux autres techniques cinématographiques novatrices de Jean-Luc Godard dont le tout confère à ce film une dimension rythmique unique.

Nous nous trouvons maintenant en 1979 avec le film « Courage Fuyons ». Vladimir Cosma retrouve Yves Robert dans cette comédie romantique pour la 8ème fois depuis leur rencontre sur « Alexandre le bienheureux » (1968). Il renoue avec la couleur jazz du diptyque « Un éléphant ça trompe énormément » et « Nous irons tous au paradis » (également écrits par Jean-Loup Dabadie), mais avec une guitare manouche qui annonce celle du « Dîner de cons »). Comme pour d’autres musiques de ses films, Vladimir Cosma reprend ce thème à la guitare manouche, interprété par Philip Catherine. Dans le cabaret, Catherine Deneuve chante Lady from Amsterdam, chanson composée pour l’occasion par Vladimir Cosma, et aux paroles écrites par Boris Bergman et Jean-Loup Dabadie. Il s’agit de la première fois où l’actrice n’est pas doublée pour le chant.

En 1960, Gainsbourg signe la bande originale du film « L’eau à la bouche » de Jacques Doniol-Valcroze. Michel Galabru et Bernadette Lafont jouent à merveille un couple fripon dans un château des Pyrénées-Orientales où six personnages réunis pour régler une question d’héritage se laissent aller au marivaudage. Les paroles de Gainsbourg qui servent l’intrigue amoureuse s’immiscent dans cette zone grise de la séduction. Entre prédateur (Je t’en prie ne sois pas farouche / Quand me vient l’eau à la bouche () Je te veux confiante, je te sens captive / Je te veux docile, je te sens craintive / Je ne prends que ta bouche) et homme patient capable d’attendre l’accord explicite de sa partenaire (Si tu veux bien / Je te prendrais doucement et sans contrainte), Gainsbourg fait sa danse nuptiale à la frontière du consentement et de la « liberté d’importuner » revendiquée par Catherine Deneuve (qu’il surnommait Catherine d’Occase) et BB dans une tribune au Monde de janvier 2018. « Nous pensons que la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté dimportuner », concluent ces femmes qui débutent leur texte en estimant que « la drague insistante ou maladroite nest pas un délit, ni la galanterie une agression machiste ».

Flic ou voyou (1979) : il sagit de la 7ème collaboration entre Georges Lautner et son fidèle compositeur Philippe Sarde qui propose un mélange inédit entre la dimension classique des cordes avec une flute et le jazz avec l’apport du trompettiste de jazz américain Chet Baker. Film policier assez farfelu, mais porté haut par son interprète principal avec un bagou et une sympathie désarmante. Par conséquent, le film savère n’être quune accumulation de scènes parfois très réussies et parfois non. On ressent un sentiment à la fois dune extrême jubilation et dinachevé. Heureusement, la musique de Philippe Sarde convoque la crème du jazz pour interpréter sa partition. Son générique, par une alternance de musique inspirée du baroque et de musique jazz, marque lambivalence du personnage principal.

Je termine par un film plus récent dont la B.O. est composée par un musicien extraordinaire, Ibrahim Maalouf qui signe la musique de la comédie de Gad Elmaleh, « Reste un peu ». Fort dune grande créativité et sensibilité musicale, le compositeur et musicien Ibrahim Maalouf enchaîne des bandes originales de film. Après « Jusquici tout va bien », « 9 jours à Raqqa » ou encore plus récemment « Citoyen dHonneur », le trompettiste a composé pour la comédie familiale de Gad Elmaleh un thème musical principal avec une mélodie facilement identifiable à latmosphère mélancolique et légèrement dansante, un thème à partir duquel plusieurs variations animent les scènes du film. Les mélodies touchantes et exécutées avec la virtuosité reconnaissable dIbrahim Maalouf traduisent donc parfaitement l’état desprit du réalisateur et du film. Le trompettiste met aussi en musique les questionnements de Gad Elmaleh ainsi que ses émotions, notamment dans les compositions de « Casablanca Memories ».

Ecrit par Jacky Ananou

#Interview : Erik Truffaz

Le Jazzophone rencontre le trompettiste Erik Truffaz dans sa loge, à la scène 55 de Mougins, peu avant l’heure des balances.

Si on en croit les biographies, vous jouez de la trompette depuis l’âge de 5 ans. Est-ce que vous avez toujours voulu en faire votre métier ?

A 5 ans peut-être pas. Mais dès l’adolescence oui, sûrement. J’ai joué dans un orchestre de bal à 13 ans.


Et le jazz, c’est venu tout de suite aussi ?

Non, je faisais de la variété, après du jazz-rock, ensuite je suis venu vers un jazz moins amplifié.

Très vite, dès votre deuxième album, vous intégrez le prestigieux label Blue Note. Pouvez-vous nous raconter comment s’est faite la rencontre avec eux ?

C’est une série de hasards. Quand j’avais 18 ans, j’étais prof de piano. Un de mes anciens élèves était à un concert que j’ai donné à Avignon. Il travaillait pour EMI. Il m’a dit : « Si tu veux, je peux essayer de leur passer ta nouvelle musique. En échange, je deviendrai ton manager si cela réussit ». Et il se trouve que EMI avait un label de jazz Home Records qui a fermé. Ils étaient d’accord pour me prendre, mais ils ont fait faillite. Et au même moment, le label Blue Note aux Etats-Unis souhaite ouvrir un département depuis la France. Et j’étais prêt. Et voilà ! C’est un bon coup de chance.

Si on excepte Out Of A Dream en 1997, plutôt dans le style hard bop, vous vous détachez vite des canons du jazz américain pour métisser votre musique.

Oui, tout à fait. Avec le bassiste Marcello Giuliani qui vient juste de passer, on jouait de la musique dans les clubs qui étaient plus Drum and Bass, et on faisait aussi partie d’un groupe de rap. Et du coup, cela nous a influencés. Et nous allions jouer à Londres une fois par mois. La résultante est « The Dawn » (Blue Note -1998).

Et c’est l’album qui vous a fait connaître d’un plus grand public ?

Ah oui, tout à fait.

Dans les albums suivants, il va y avoir un peu de pop, de rock, de l’électro ?

Oui, il y a toujours ça !

Comment choisissez-vous la direction que va prendre votre musique, à chaque nouvel album ?

Il n’y a pas que moi qui choisis. Je dois avouer que l’on travaille beaucoup avec Marcello Giuliani. Et là, c’est lui qui m’a présenté les nouveaux musiciens. (Raphaël Chassin à la batterie, Matthis Pascaud à la guitare, Alexis Anérilles aux claviers). Ensuite cela passe souvent par des rencontres. Pratiquement tous les invités qui sont sur mes albums sont des gens qui m’ont invité auparavant, que j’ai croisés et entendus dans des festivals.

Est-ce que les musiciens de votre quartet, les invités sont impliqués dans ces choix, dans la conception de l’album.

Les musiciens du groupe oui, les invités pas vraiment.

Est-ce qu’ils vous proposent des compositions ?

En général oui, mais pour le prochain album, ce sont des reprises de musiques de film. Mais les autres albums, on les a composés, arrangés ensemble. Ce n’est pas : ils arrivent, et c’est tout fait. On met des bouts par-ci par-là, puis cela devient l’album.

Les voix sont aussi apparues très vite dans vos albums. Qu’est-ce qu’elles apportent à votre musique ?

Oui, déjà le rappeur à l’époque, puis Sly Johnson ou Christophe et Oxmo Puccino.

C’est important la voix pour votre musique ?

Disons qu’avec les voix on peut faire des chansons ; et les chansons c’est très important dans la vie.

Est-ce que les voix contribuent à installer les climats particuliers associés à chaque album ?

Non, ça les complémentent plutôt. La base est la musique instrumentale. Mais la voix est aussi un véhicule populaire. Les titres les plus téléchargés qui me font connaître dans le monde sont ceux avec les voix.

Vous avez dit un jour que vous aimiez bien que vos albums fonctionnent comme un roman, comme un film avec un scénario avec des moments forts et d’autres plus légers ?

Oui tout à fait. Et les concerts c’est comme ça aussi.

C’est particulièrement vrai dans votre dernier disque en date « Lune Rouge ».

Ah oui, en effet. Il y a des moments où cela se repose, puis d’autres où ça s’accélère. Mais chacun peut se faire sa propre histoire.

Ce qui est une transition toute trouvée pour le nouveau projet que nous allons entendre ce soir, « French Touch », où vous reprenez des thèmes de musiques de film du cinéma français. Vous pouvez nous parler de la genèse et de la construction de ce projet ?

L’idée est partie d’une invitation au festival du cinéma d’Angoulême. Le directeur et la directrice m’ont invité à jouer des musiques de film pour la cérémonie de clôture. C’était très chouette à faire. Le label Blue Note est revenu vers moi pour me re-signer, et je leur ai proposé ce projet. Ils ont été partants.

Est-ce que « Lune Rouge » va continuer de tourner en parallèle ?

De moins en moins. On a encore quelques concerts prévus. Par contre Benoît Corboz qui joue les claviers et qui a mixé « Lune Rouge » va mixer aussi « French Touch ».

La scène reste importante pour vous, ou vous pourriez vous contenter de faire des disques ?

Ah non, non, la scène c’est formidable ! C’est un peu comme une drogue, on a du mal à s’en passer. On transmet quelque chose aux gens, on reçoit quelque chose en retour. C’est un moment unique, c’est merveilleux.

Il n’y a donc pas de lassitude ?

Pas du tout. La seule chose dont je peux me lasser sont les transports en avion, les déplacements, mais pas la scène ! Tous les efforts qu’on fait tendent vers ce moment-là, la scène !

Et il prend son chapeau et sa trompette pour aller fignoler les balances avec ses musiciens

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Ecrit par Jacques Lerognon
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